Soliloque autour de L’écologie en bas de chez moi
Publié le 02 juillet 2011 par manouane dans la (les) catégorie(s) Billet

L’écologie en bas de chez moi est une critique en règle du mouvement écologiste actuel qui anime les pays occidentaux. À travers les pages de ce récit – détail important, car ce livre n’est ni un roman ni un essai – Iegor Gran présente sa réflexion concernant le mouvement vert dont nombre de citoyens embrassent les vertus sans oser se poser de questions quant à ses possibles déviances.
Iegor Gran n’est pas antiécologiste. Il se pose en faux face au discours entourant les supposés bons gestes à poser pour la planète, comme si l’écologie ne tenait qu’aux actions des citoyens mais pas des entreprises – qui, cela dit en passant, poursuivent allègrement leurs actions dans le but d’augmenter leurs profits, nonobstant les conséquences environnementales. Il tente de démontrer que l’écologie telle que pratiquée actuellement n’est peut-être pas la solution tant espérée.
Des exemples? La lampe à incandescence :
« Avec sa silhouette de tube digestif, sa base bunker en plastique bas de gamme, sa lumière pisseuse flamboyante, comme chargée d’antibiotiques, l’ampoule fluocompacte est l’objet du quotidien le plus antiesthétique que je connaisse, symbolisant tout le mal que l’humanité est capable de s’infliger à elle-même avec de bonnes intentions » (p.73).
Après avoir en toute urgence retiré les thermomètres des maisons parce qu’ils contenaient du mercure, on pousse avec force l’achat d’ampoules fluocompactes … qui contiennent du mercure – trouvez l’erreur. Au fait, entre un thermomètre et une ampoule fluocompacte, lequel de ces deux objets est-il plus susceptible d’être brisé? Iegor Gran souligne avec humour que l’Institut national de santé publique du Québec présente la procédure d’urgence à suivre en cas de bris (disponible à la page 3 de ce document PDF).
- Ne pas utiliser d’aspirateur pour nettoyer les débris. En effet, cela peut contribuer à répandre le mercure à travers la pièce en plus de contaminer l’aspirateur.
- Aérer la pièce en ouvrant la fenêtre et quitter la pièce pendant 15 minutes avant de procéder au nettoyage.
- Procéder au nettoyage des débris et de la zone où a eu lieu le bris.
- Ouvrir la fenêtre pour aérer la pièce lors des quelques nettoyages subséquents avec l’aspirateur.
- Sortir les débris à l’extérieur de la maison (particulièrement s’il ne s’agit pas d’un contenant de verre hermétique).
- Continuer à aérer la pièce pendant plusieurs heures.
Vous souvenez-vous des procédures à suivre en cas de bris d’une ampoule à incandescence? Non? Normal, il n’y en avait pas.
Un autre exemple, les énergies de substitution :
« Les énergies de substitution posent d’ailleurs d’autres problèmes géopolitiques dont on commence seulement à mesurer les enjeux. Ainsi on s’aperçoit que le lithium, ingrédient clé pour fabriquer les batteries des voitures électriques et stocker l’électricité produite par l’éolien et le solaire que l’on aura planté dans nos jardins, est lui-même disponible en quantité limitée. On estime qu’un tiers des réserves de ce métal se trouve dans le Salar d’Uyuni en Bolivie, ‘futur Moyen-Orient du lithium’ (dixit Le Figaro du 8 septembre 2009), où règne actuellement Evo Morales, ex-planteur de coca et antioccidental populiste à la sauce Chavez » (p.75).
Il faut le répéter : Iegor Gran n’est pas antiécologiste, il ne fait que souligner les contradictions du discours écologiste. Jean-François Nadeau, du Devoir, a les mots justes pour présenter la réflexion de l’auteur :
Ce livre décapant vise à montrer que la culture a perdu devant une psychose d’un nouveau genre qui fait la chasse à la liberté de penser. Car c’est bien de cela que Gran s’inquiète le plus: l’écologie pratiquée comme une religion lui semble correspondre à une grave atteinte à l’intelligence et, partant, à la culture. L’infantilisation de la population au nom de l’écologie constitue même «une mise au placard de la culture et de la civilisation». Est-ce pour cela d’ailleurs que les partis politiques les plus verts et plus progressistes en théorie se révèlent être aussi curieusement muets quant aux questions culturelles? (Jean-François Nadeau, Le Devoir, 30 avril 2011).
Un livre à l’humour noir ravageur – il faut voir comment il se prive d’aborder le sujet avec un très bon ami, de peur de le froisser. Au fait, se demande-t-il, « si l’on ne peut plus se payer le luxe d’être bête devant un ami, est-ce encore un ami? » (p.25). Un livre superbe à lire lentement afin de bien en saisir l’essence cynique.
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Iegor Gran
L’ÉCOLOGIE EN BAS DE CHEZ MOI
P.O.L., Paris, 2011, 188 pages.