De l’importance des librairies d’occasion pour les voyageurs qui veulent découvrir une ville
Publié le 28 août 2014 par manouane dans la (les) catégorie(s) Billet

Les collectionneurs sont des individus pourvus d’instinct tactique; d’après leur expérience, lorsqu’ils conquièrent une ville étrangère, le magasin de livres anciens le plus minuscule peut signifier un fort, la papeterie la plus éloignée une position clé. Combien de villes ne se sont-elles pas ouvertes devant moi au cours des marches avec lesquelles je partais à la conquête de livres.
Walter Benjamin (Je déballe ma bibliothèque)
Lorsque je planifie un voyage dans une ville, une des premières recherches que j’effectue consiste à y trouver les librairies d’occasion. Pourquoi? La raison est fort simple : la nature de ce type de commerce fait en sorte qu’il est invariablement situé au cœur de quartiers intéressants à découvrir lorsqu’on visite une ville. Car pour assurer leur survie, les librairies d’occasion ont besoin de deux éléments : un environnement urbain où il fait bon vivre et un microcosme socio-économique diversifié culturellement parlant. Pour faire une analogie, la librairie d’occasion est à un quartier ce que les grenouilles sont à un étang : un signe de bonne santé. Avec pour résultat que s’il y a une librairie d’occasion, alors il y a un quartier intéressant à découvrir tout autour.
Lorsqu’on met les pieds dans une nouvelle ville, on commence souvent par visiter le centre-ville. Normal : il s’agit de la tête de la ville, là où l’on travaille la semaine. Surtout que chaque centre-ville est réputé pour l’architecture de certains gratte-ciels. Mais un centre-ville, surtout dans les villes nord-américaines, on en fait le tour en une journée ou deux. Tôt ou tard, le voyageur en vient à vouloir découvrir les quartiers où le travailleur se rend une fois sa journée de travail terminée, où la vie ne s’arrête pas après 18 h. Pour ce faire, il suffit de se repérer grâce aux librairies d’occasion.
Une librairie d’occasion doit pouvoir compter sur un microcosme socio-économique spécifique afin de se construire une clientèle non seulement pour écouler sa marchandise, mais aussi pour s’en procurer. Contrairement à d’autres types de commerces, elle ne peut pas compter sur un fournisseur pour regarnir les rayons de ses bibliothèques. Ainsi, chaque individu qui y entre peut être soit un client, soit un fournisseur, parfois même les deux en même temps. Il faut donc une clientèle au profil-type assez particulier quoique pas nécessairement rare.
Puis, elle a besoin d’un environnement urbain invitant. Car pour que le client soit intéressé à entrer dans la librairie, elle doit avoir un emplacement de choix et être située près de commerces fréquentés sur une base quasi quotidienne, tels une épicerie de quartier, une fruiterie ou un café. Si les lieux de culture, tels les théâtres et les cinémas, attirent les clientèles ayant un côté curieux développé, les parcs et autres lieux de verdure assurent une clientèle constituée de jeunes familles aux enfants avides de découvertes.
Pour attirer les clients à l’intérieur, une librairie d’occasion doit posséder une belle devanture invitante. Et pour s’assurer que les gens soient naturellement tentés de s’arrêter pour la contempler, deux ingrédients sont essentiels : un large trottoir, qui permet de s’y promener en toute tranquillité, et des arbres pour assurer un couvert ombragé les jours d’été. De plus, si le quartier est bien desservi par un système de transport en commun, la circulation automobile sera moins dense, un autre facteur qui incite à déambuler nonchalamment.
Au final, à quoi ressemble ce quartier qui gravite autour d’une librairie d’occasion? À un quartier que le voyageur prendra plaisir à découvrir. Voilà pourquoi je prends toujours soin d’identifier les librairies d’occasion lorsque je prépare mes voyages. Il s’agit d’un excellent moyen pour découvrir des quartiers agréables et intéressants, endroits qui ne m’auraient peut-être pas attiré si je m’étais fié uniquement à la description d’un guide de voyage, aussi bon puisse-t-il être.
Depuis que j’applique cette méthode, je réussis non seulement à visiter de magnifiques petits quartiers – ce qui plaît à ma conjointe – mais je parviens aussi à faire des belles trouvailles – ce qui, j’imagine, plait aussi à ma conjointe. À titre d’exemple, à Toronto j’ai trouvé un livre du philosophe Léon Brunschvicg tandis qu’à Boston, j’ai mis la main sur un ouvrage peu fréquent datant de la fin du 19e siècle du bibliophile français Octave Uzanne.
Les recherches
J’effectue mes recherches grâce à des moteurs de recherche Web, certains médias sociaux ainsi que le bottin des associations de librairies de livres anciens. Attention cependant avec les librairies de ces associations, car certaines n’ont pas pignon sur rue et ne sont accessibles que sur rendez-vous. Il s’agit parfois de librairies très spécialisées, il faut bien en lire la description.
Voici les quatre principales références en la matière en Amérique du Nord :
- Québec : Confrérie de la Librairie ancienne du Québec, CLAQ (Web)
- Canada : Association de la librairie ancienne du Canada ABAC (Web, bottin)
- États-Unis : Antiquarian Booksellers’ Association of America (Web, bottin)
- International : Ligue internationale de la librairie ancienne (Web, bottin)
Au fil de mes recherches, j’inscris l’adresse ainsi qu’une courte description de chaque librairie qui m’intéresse dans une carte Google Maps. Une fois la carte complétée, je la télécharge sur mon téléphone intelligent grâce à l’application Google Maps Engine – car l’application de base, Maps, ne permet pas de récupérer les cartes enregistrées sur un téléphone intelligent. Une fois sur place, il est facile de se repérer grâce à cette application.
Le bonheur de cette méthode est qu’en prime, on peut rapporter chez soi un livre qui rappelle non seulement une ville, mais aussi un quartier bien spécifique.