Antoine Vitkine : Mein Kampf, histoire d’un livre
Publié le 31 décembre 2009 par manouane dans la (les) catégorie(s) Billet

En 1923, suite à un coup d’état raté, Adolf Hitler est arrêté et envoyé en prison. Il profitera de son incarcération pour rédiger un volumineux document où se mêlent propos autobiographiques et idées politiques. Lorsqu’il est remis en liberté, il publie son manuscrit sous le titre de Mein Kampf. Eine Abrechnung (Mon combat. Un bilan) en juillet 1925. Soudainement passionné par l’écriture, Hitler produit rapidement une suite au premier livre qui est disponible en librairie en décembre 1926 et dans lequel il présente son projet politique. Les deux volumes sont par la suite réunis en un seul dans une version remaniée par des proches de Hitler afin de rendre le texte lisible et de lui donner une forme plus cohérente, car si Hitler est un excellent orateur, il est, semble-t-il, un piètre écrivain.
Le succès ne se fait pas attendre : en 1926, année de sa parution, 9 000 copies trouvent preneur. En 1930, c’est 54 000 exemplaires qui sont écoulés contre 850 000 en 1933. Les neuf années suivantes, Mein Kampf est distribué à plus de 6 millions de copies. Il sera rapidement traduit en 16 langues, parfois contre la volonté de son auteur qui aurait préféré masquer certains passages pour éviter que des dirigeants politiques sachent avec autant de détails ses opinions et ses projets. Ainsi est né un des plus fameux livres du XXe siècle.
Le travail d’enquête du journaliste Antoine Vitkine consiste, dans un premier temps, à retracer l’histoire de ce livre entre le moment de sa création et la chute du IIIe Reich. Il souligne, entre autres choses, l’accueil presqu’indifférent qui a entouré sa large diffusion en France, en Angleterre et aux États-Unis, pour ne nommer que ces pays. Puis, dans la seconde partie, Antoine Vitkine présente ce qu’est devenu ce document, plus de 50 ans après la fin de la Seconde Guerre mondiale. Il souligne que le livre figure au catalogue d’au moins 11 éditeurs et qu’il est un titre à succès en Turquie – jusqu’à 80 000 exemplaires vendus par année –, en Russie, en Indonésie, en Égypte et au Liban. À chaque année, la traduction en anglais s’écoulerait à hauteur de 20 000 exemplaires. Quant à la traduction en français, elle est publiée aux Nouvelles éditions latines, le même éditeur qui l’a publié pour la première fois dans la langue de Molière peu avant le début de la guerre.
Le résultat final est une enquête somme toute fort intéressante. Toutefois, en-dehors de l’énumération des faits historiques et des chiffres, le travail du journaliste Antoine Vitkine ne permet pas de trouver réponse à plusieurs questions de fond, comme par exemple celle concernant l’explication de ces ventes aussi nombreuses. En effet, comment se fait-il que le livre qui fut considéré comme la bible d’un des régimes dictatoriaux les plus sanguinaires de l’humanité soit ainsi vendu en aussi grand nombre à travers le monde? Bien entendu, le livre de Hitler véhicule un discours haineux envers les juifs, mais il ne peut justifier à lui seul un nombre aussi élevé de ventes à travers le globe.
Tout au long de l’analyse, Antoine Vitkine critique les propos contenus dans le livre en le citant abondamment. Toutefois, les citations sont souvent courtes – quelques mots, parfois une ou deux phrases entières – ce qui peut soulever la question du contexte duquel la phrase est tirée. Pour corroborer l’analyse que fait Antoine Vitkine, il faudrait lire Mein Kampf, mais qui oserait s’attaquer à ce gargantuesque livre de 717 pages réputé indigeste?
Cela dit, Antoine Vitkine soulève une question fort pertinente à laquelle il ne peut donner de réponse. Tout au long de son analyse, il démontre que le livre Mein Kampf a beaucoup circulé en Allemagne entre le moment de sa parution et la fin de la guerre. Pendant la République de Weimar, il était offert en cadeau par le NSDAP à l’occasion d’un mariage, de l’achat d’une maison ou d’une naissance. Cela dit, a-t-il été lu? Et aujourd’hui, considérant le nombre d’exemplaires écoulés au cours des dernières années à travers la planète, est-il lu? Il est à espérer que les gens se le procurent comme un simple objet de curiosité.
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Antoine Vitkine
MEIN KAMPF
HISTOIRE D’UN LIVRE
Flammarion, Paris, 2009, 309 pages.
Moi, je vais oser ! Je viens de finir “Les disparus” et la lecture de ce livre m’a fait passer le pas de la commande de “Mein Kampf”. Ca faisait des années que je souhaitais le lire, pour savoir, essayer de comprendre.
Et j’ai justement ce livre sur ma liste, que je souhaite lire après… Si besoin et si j’ai encore le courage de tourner autour de ce sujet !