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Victor-Lévy Beaulieu : Ma vie avec ces animaux qui guérissent

Publié le 06 novembre 2010 par dans la (les) catégorie(s) Uncategorized

Victor-Lévy Beaulieu : Ma vie avec ces animaux qui guérissent

Très jeune, Victor-Lévy Beaulieu est estomaqué par un surprenant paradoxe : tandis que les animaux sont bons pour l’humain, ce dernier est capable des pires traitements à leur égard. Ce constat est d’autant plus sévère que le prolifique auteur a toujours eu à l’égard des animaux, quelle que soit leur race, un profond respect. Et ceux-ci le lui ont bien rendu, car c’est grâce à eux qu’il a pu, entre autres, corriger son penchant pour l’alcool.

Dans son dernier livre, il fait le récit des relations qu’il a entretenues avec les animaux, et ce, dès son plus jeune âge :

« J’avais cinq ans et derrière chez nous, rue du Parc aux Trois-Pistoles, un dénommé Job Horton entretenait une grosse truie dont il vendait les porcelets une fois leur engraissement terminé. La petite soue faisait office de frontière entre le territoire des Horton et le nôtre. Comme elle était en mauvais état de notre bord des choses, j’avais trouvé le moyen d’enlever quelques courtes planches pour attirer vers moi les porcelets, en prendre un et jouer avec. Après quelque temps, c’était toujours le même dont la tête apparaissait dans l’ouverture, parce que nous étions en quelque sorte devenus des amis. Quand il couinait ou grognait, je faisais de même et je lui répondais à sa manière, croyant que je parlais son langage et qu’il comprenait tout ce que je lui couinais ou grognais. On s’est raconté ainsi pas mal d’histoires, le cochonnet et moi » (p.12).

Moment charnière dans son développement, le petit Lévy, dont le prénom, issu de la Bible, signifie conducteur et protecteur des troupeaux, réussira à apprivoiser un canard sauvage et à l’installer dans la grange derrière la maison familiale.

« Je le nourrissais le matin avant d’aller à l’école et faisais de même l’après-midi. Pour le canard sauvage, j’étais devenu l’un des siens : je lui donnais l’un de mes doigts à becqueter puis, une fois qu’il s’était bien repu de grains, je le prenais sur mes genoux, le flattais, lui jouais dans les plumes huileuses avant de le remettre dans la grande cuve pleine d’eau. » (p.28).

Le bonheur s’interrompit brusquement lorsqu’un soir, en revenant de l’école, VLB découvrit que son ami composait le plat principal du souper. Ce soir-là, il prit la décision « que tout le temps que je vivrais, je serais inconditionnellement du bord des bêtes » (p.29). Peu de temps après ce triste événement, il déménagea avec sa famille à Montréal, et ce ne sera que bien des années plus tard qu’il reviendra à sa verte campagne.

Et quel retour : en l’espace de quelques années, sur sa terre aux Trois-Pistoles, il s’entourera de toutes sortes d’animaux. Il débutera avec des moutons, dont son bélier Tasse-Toi-mononque, puis des oies, avec lesquelles il devra user de finesse pour les déménager de la cuisine où il les a élevées à l’étang non loin de sa maison. Il se procurera des chèvres et, quelques mois plus tard, assistera à la naissance d’un superbe bouc qu’il baptisera Will Shakespeare et qui se comportera comme un chien, suivant son maître dans le moindre de ses déplacements. Sans oublier Didiquoi le cheval et son amour Didiquand.

Évidemment, qui dit animaux dit chien et chat. Un chapitre est consacré à la présentation des chiens de sa meute, qui lui feront vivre bien des aventures : Malamutt-mon-courailleux, qu’il sauvera d’une mort certaine, Bidou Laloge, Moman Micropuce et Tifille. Cette dernière nouera des liens forts particuliers avec, entre autres, le chat Secret-de-la-Caramilk. Car au milieu des chiens se retrouvent des chats, comme Lafouinette et Raspoutine. Il faut dire que VLB a presque toujours vécu avec des chats, et l’histoire de l’un de ces félins est racontée dans le roman Don Quichotte de la Démanche. Pour ces compagnons, il aura des paroles empreintes de philosophie :

« Personne ne mène leur vie à leur place, ils ont le mot indépendance inscrit dans leurs gènes, ils aiment garder leur distance, ils ne sont jamais dupes de ce qui se passe autour d’eux. Leur odorat est autrement plus développé que celui du chien, de sorte qu’ils sont capables de filtrer, non pas seulement les odeurs, mais ce que j’appelle les émotions, même changeantes, qu’il y a toujours dans une maison habitée. Le chien regarde de bas en haut, le chat de haut en bas. À l’origine, il était peut-être un oiseau » (p.194).

Paraphrasant Pierre Foglia, il souligne que si le chien s’est fait apprivoiser par l’homme, ce dernier s’est fait apprivoiser par le chat.

Si ce livre contient son lot d’histoires amusantes et surprenantes – très bien rendues grâce à la plume vive de VLB – il rend aussi compte de la vie animale et de ses lois implacables auxquelles l’humain ne peut rien changer. Loin de faire de l’anthropomorphisme à la Walt Disney, l’auteur raconte la vie au quotidien avec ses bêtes, avec tout ce que cela peut comporter de joies et de peines. Un livre fascinant où Victor-Lévy Beaulieu se dévoile en toute simplicité.

Extraits :

« – Je vais voir la chèvre, me dit-elle. Tu viens avec moi?
– Je termine le paragraphe que j’ai commencé et je te rejoins.
Ce n’est pas vraiment pour finir avec le paragraphe que je voulais en finir, mais plutôt avec le café que je venais de me préparer. Quand on écrit, un café ça ne se boit pas en sarfe, mais par petites lampées, au rythme des mots qui viennent sur le papier. Et le hasard voulait que ce matin-là, mon esprit aille à la traîne, de ci, de là, dans la lenteur dont je ne cherchais pas à changer le cours, puisque c’est le corps qui en décide ainsi et que, dans cet ordre-là des choses, je le considère comme souverain » (p.105).

« Quoi qu’il en soit, j’étais pris avec ma brebis victime de la mammite et il fallait que je m’occupe de son petit. Comme je l’avais déjà fait, je l’emmenai à la maison pour l’y soigner. Mais j’avais désormais une meute de chiens : le père, un chien esquimau d’Alaska; la mère, une petite berger Shetland; et cinq jeunes chiens indisciplinés, turbulents et brise-fer comme tous ceux de leur race. Comment la meute réagirait-elle devant cet agneau envahissant leur territoire? À ma grande surprise, ils l’adoptèrent comme s’il avait été l’un des leurs. Ils lui nettoyaient même l’arrière-train comme les brebis le font pour renforcer les muscles d’abord un peu paresseux des sphincters des nouveau-nés. L’instinct, toujours l’instinct! » (p.132).


Victor-Lévy Beaulieu
MA VIE AVEC CES ANIMAUX QUI GUÉRISSENT
Éditions Trois-Pistoles, Trois-Pistoles, 2010, 236 pages.

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Il y a 3 commentaires pour l'article “Victor-Lévy Beaulieu : Ma vie avec ces animaux qui guérissent”.

  1. sylvie b 1 June 2013 à 19:00 #

    Que je vous trouve chanceux d’avoir tant d’animaux dans votre vie. Cela a toujours été un rêve pour moi. Dans mes dessins de jeune enfant, j’étais entourée d’animaux.
    De plus,vous vivez sur le bord du fleuve, endroit que j’adore où aller contempler à chaque année. je vais à St Fabien sur mer.
    Peut etre j’aurai le plaisir de vous rencontrer un de ces jours

    Cette semaine, je suis en deuil, j’ai fait euthansier ma chienne agée de 17 ans, elle était souffrante. Quel déchirement!

    je vous souhaite une belle journée et merci de nous partager votre vécu avec ces êtres exceptionnels, en espérant que cela ouvrira le coeur et la conscience davantage de gens.

    Sylvie Berthiaume

  2. melanie perron 11 June 2013 à 07:47 #

    Merci pour ce beau livre qui me rapelle combien jaime mes canards chevres cheval chat et chien. Vous mavez fait du bien!
    Melanie Perron

  3. pauline Tremblay 1 August 2015 à 19:48 #

    vous êtes mon Idole et auteur préféré…je suis a lire votre dernier livre 666 Nietzsche toute une brique merci c’est génial j’en suis au début belle soirée et moi bonne lecture


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