Roméo Dallaire : Ils se battent comme des soldats, ils meurent comme des enfants
Publié le 04 décembre 2010 par Alexandre dans la (les) catégorie(s) Uncategorized

Lorsqu’un homme qui a une expérience militaire comme le lieutenant général Roméo Dallaire écrit un livre dont le sujet tourne autour de l’univers de la guerre, il faut s’attendre à ce que ses propos s’appuient sur des faits vécus qui pourraient être choquants. Et dans le cas des enfants soldats, on n’y échappe pas, puisqu’il a été confronté à cette dure réalité durant le génocide au Rwanda en 1994. Depuis qu’il a pris sa retraite, Roméo Dallaire, aujourd’hui sénateur, se dédie à combattre l’utilisation d’enfants soldats, une pratique qui se fait de plus en plus courante un peu partout sur la planète.
Il faut dire que les enfants sont des soldats extraordinaires : ils exigent une technologie limitée ainsi que des frais de subsistance minimes. Ils sont légers et faciles à déplacer sans attirer l’attention. Puisqu’ils n’ont pas un niveau de conscience suffisamment élevé pour remettre en question leurs propres agissements, ils peuvent faire preuve d’une barbarie étonnante. Grâce aux avancées technologiques du complexe militaro-industriel, les armes modernes sont légères et peuvent facilement être manipulées par des enfants. Vulnérables et faciles à attraper, les garçons sont voués à devenir des combattants tandis que les filles, encore plus utiles, peuvent non seulement faire ce que les garçons font, mais en plus, elles peuvent organiser les campements, préparer les repas, s’occuper des plus jeunes et servir comme esclaves sexuelles. « L’homme a ainsi créé l’arme humaine suprême, bon marché, facilement remplaçable et pourtant raffinée, au prix de l’avenir de l’humanité : ses enfants » (p.17).
Après avoir dépeint la situation, Roméo Dallaire présente et analyse le contexte socioéconomique qui favorise l’éclosion, en Afrique, de groupes armés qui emploient les enfants comme soldats. Cette situation constitue un cycle infernal où ils jouent un rôle primordial, de l’extraction des pierres précieuses qui permettront l’achat d’armes, au soldat qui enlève d’autres enfants.
Face à pareille situation, les casques bleus sont complètements démunis : « Aujourd’hui plus que jamais, dans des zones de combat lointaines et disparates, des soldats professionnels, forts d’années d’expérience et rompus aux technologies de guerre les plus sophistiquées, se retrouvent nez à nez avec leur contraire absolu. Il est presque impossible d’imaginer une antithèse plus parfaite du guerrier et du casque bleu moderne et mûr que le rebelle enfant, le combattant enfant, l’enfant soldat. Comment réagir lorsque les combattants enfants utilisent les armes meurtrières qu’on leur a confiées? Faut-il tuer les enfants qui tuent? » (p.33)
L’approche que Dallaire préconise dans ce livre consiste à ne pas considérer les enfants comme des soldats, mais comme des armes. Dans l’expression ‘enfant soldat’, la part de chacun des deux mots est difficile à saisir, et la définition de l’ensemble est vague, ce qui n’est pas le cas avec le terme ‘arme’. De plus, « s’il est possible d’utiliser un enfant comme une arme, il devrait être possible de mettre cette arme au rancart ou de la neutraliser et donc d’éradiquer le recours aux enfants soldats. Pas d’éradiquer les enfants, mais d’empêcher qu’on se serve d’eux à des fins guerrières » (p. 30).
Pour mettre ces armes au rancart, Roméo Dallaire propose un désarmement, une démobilisation et une réintégration à la vie sociale. Mais considérant la complexité de la situation, Dallaire est bien conscient qu’il faudra bien plus que des mots pour faire avancer cette cause. Et il compte bien y consacrer toute son énergie pour transposer les théories en résultats auprès des enfants. Une analyse formidable qui permet de bien comprendre la gravité de la situation, tant pour ceux qui la vivent que pour ceux qui doivent y faire face.
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Roméo Dallaire
ILS SE BATTENT COMME DES SOLDATS, ILS MEURENT COMME DES ENFANTS
POUR EN FINIR AVEC LE RECOURS AUX ENFANTS SOLDATS
Libre expression, Montréal, 2010, 404 pages