Les fausses informations de Renaud-Bray
Publié le 15 mai 2014 par manouane dans la (les) catégorie(s) Billet

Radio-Canada et Le Devoir ont récemment souligné que la chaîne de librairie Renaud-Bray était à couteaux tirés avec le distributeur Dimedia. La source de la bisbille réside dans une décision unilatérale prise par la direction de Renaud-Bray relativement aux conditions de paiement des livres : « Au lieu de payer tous les deux mois la totalité des volumes commandés, Renaud Bray aurait déduit du montant la valeur des invendus retournés à Diffusion Dimédia. Des livres qui étaient auparavant crédités à Renaud Bray, deux mois plus tard, dans l’exercice financier » (Source : Radio-Canada).
En guise de représailles, Dimedia a décidé de cesser de livrer aux librairies Renaud-Bray les nouveautés des éditeurs qu’ils représentent. Et il s’agit d’éditeurs de renom : Boréal, Ecosociété, Septentrion, Seuil, Payot & Rivages, PUF, pour ne nommer que celles-ci. Au total, c’est 72 éditeurs québécois et canadiens français et 289 éditeurs européens dont les nouveautés ne se retrouvent plus sur les étagères de Renaud-Bray. Il est à souligner que Dimedia est un acteur important dans la distribution du livre au Québec.
Curieux, j’ai posé quelques questions relativement à ce conflit à un libraire que j’apprécie et dont l’opinion m’importe. Dans un premier temps, il m’a confirmé que la façon de faire de Dimedia est courante et qu’il s’agit d’une entreprise tout à fait accommodante avec laquelle il est agréable de commercer.
Par contre, lorsque je l’ai interrogé sur les conséquences du conflit sur les librairies Renaud-Bray, sa réponse m’a laissé pantois : selon ce qu’il a entendu de la part de plusieurs clients, les libraires de Renaud-Bray communiqueraient de fausses informations aux clients. Il semblerait que lorsqu’un client demande une nouveauté publiée chez un éditeur distribué par Dimedia, les libraires répondraient soit le livre n’est pas publié, soit qu’il n’est pas disponible.
Interloqué, je me suis immédiatement dirigé à un Renaud-Bray pour valider les propos de mon libraire. En succursale, je demande au libraire, derrière son comptoir, où je peux trouver un roman, publié chez Boréal. La libraire regarde son écran et me dit que le roman n’est pas encore sorti, qu’il le sera bientôt, et que si je donne mon nom et mon numéro de téléphone, on en retiendra un exemplaire pour moi. Seul problème, le roman est bel et bien disponible en librairie et ce, depuis le 6 mai dernier. Je l’ai même tâté lors de ma visite dans une librairie indépendante situé à quelques coins de rue de là.
Renaud-Bray semble être dans une stratégie qui consiste à obtenir auprès des distributeurs des conditions avantageuses compte tenu de sa position dans le marché. Serait-ce une stratégie qui consiste à contourner un acteur trop gênant afin d’augmenter ses profils? Rappelons que dans la chaine du livre, le libraire perçoit approximativement 40% des revenus, l’éditeur 40% et le distributeur, 20% (Source : Radio-Canada).
Parallèlement, il semblerait que Amazon agisse de la même façon avec Hachette. Les deux groupes sont en train de négocier le renouvellement de leur contrat commercial. Afin d’obtenir de meilleures conditions, le distributeur en ligne emploierait des tactiques variées pour détourner les clients vers d’autres auteurs et éditeurs. Ainsi, pour les livres distribués par Hachette, Amazon serait soit en rupture de stock soit afficherait des délais de 2 à 4 semaines.
Bref, si vous recherchez une nouveauté, les lecteurs sont invités à visiter la librairie indépendante la plus proche. Pour la localiser, il suffit d’utiliser ce moteur de recherche : http://www.alq.qc.ca/_librairies. La recherche se fait par code postal.
Erratum ? : J’écris pour la revue Lettres québécoises et mon estimé collègue, Jean-François Caron, affirme, dans le numéro courant, que la répartition des revenus se lit plutôt comme suit : 40% pour les libraires (OK), 17% pour le distributeur et 13% pour l’éditeur (LQ #154, p. 15). Il vous manque la part des imprimeurs et des auteurs, mais comme vos pourcentages n’atteignent pas 100%, on comprend que vous ne tâchez pas d’induire le lecteur en erreur… Merci pour l’article.
Merci pour votre commentaire. Concernant la répartition des revenus, pour ma défense, je ne fais que rapporter les chiffres présentés par Radio-Canada et ne servent qu’à donner un aperçu de l’état de la situation. Je pense (il faudrait le vérifier) que la part des imprimeurs et des droits d’auteur sont inclus dans le pourcentage de l’éditeur.
Il faut de plus noter que c’est Renaud-Bray et son bel entrepôt qui remplit les commandes des clients d’Amazon.ca pour les livres francophones au Canada. L’arroseur arrosé, en somme…
Il me semble injustifié de parler de % de l’imprimeur. Bien entendu, l’éditeur doit défrayer différents coûts de production (impression, mais aussi graphisme, révision linguistique, publivité, etc.). Tout ceci représente un montant significatif de frais, mais qui peut difficilement être calculé d’emblée en % puisqu’il varie considérablement en fonction du type de livre publié et du montant engagé. Pour calculer vraiment ce que représentent ces frais en %, il faudrait donc logiquement savoir combien d’exemplaires d’un titre ont déjà été vendus puis faire les calculer ce que ça représente versus le montant des ventes perçu par l’éditeur. On ne peut pas dire d’emblée que les coûts de l’éditeur, qui incluent l’impression, représentent un % de X ou Y sur l’exemplaire d’un livre, contrairement aux % des auteurs, des libraires et des distributeurs, qui sont relativement fixes pour un même éditeur et qui sont établis sur chaque exemplaire d’un livre avant même sa parution.
Les chiffres réels:
40% libraire
33% éditeur
17% distributeur
10% auteur
Les frais d’impression sont à la charge de l’éditeur, mais inclus dans le 33%.
On voit parfois une variation de quelques pourcent entre les revenus de l’auteur et de l’éditeur; souvent variant selon la popularité de l’auteur ou à partir d’un certain nombre d’exemplaires vendus.
M. Lavoie,
La répartition présentée par RC est belle est bien la plus courante :
40% Distributeur
20% Libraire
30% Éditeur
10% Auteur
L’imprimeur n’obtient pas de pourcentage sur la vente d’un livre. Il s’agit d’un fournisseur que l’éditeur doit payer à un tarif fixé en fonction de paramètres externes – prix du papier, quantité de feuilles utilisées, couleurs, reliure, type de machine utilisée, livraison, etc..
L’éditeur prend généralement 40% dont 10% en droit d’auteur.
Les diffuseurs-distributeurs entre 15% et 20%.
J’aime beaucoup votre site, Manouane!
Salutations
Je pense que les chiffres sont acceptables si l’on considère que la fabrication englobe l’imprimeur et les droits d’auteurs (le tout dans le 40 % de l’éditeur!) Le distributeur doit être à un peu moins de 20 % (diffusion assumée par lui ou par l’éditeur). De son côté, le libraire devrait bien être autour de 40 %. Avec des marges assez faibles du fait des nombreuses charges liées à son commerce
Et plutôt que d’aller sur Amazon pour les achats en ligne, on va sur le site transactionnel des librairies indépendantes du Québec: http://www.leslibraires.ca .
Bravo pour ton blogue Manouane!
Je crois qu’on ne devrait pas blâmer les libraires pour les agissements de Blaise Renaud.
Sûrement que ça les brime autant que les clients de voir qu’une grosse partie de leur catalogue n’est plus disponible.
Ce conflit va faire baisser considérablement les revenus de la librairie à mon avis. S’il n’y a plus de livres, puisque ceux qui sont déjà là vont forcément s’épuiser un jour ou l’autre, qu’est-ce qu’elle va vendre?